Axes de recherche

Ces axes de recherche sont classés par thèmes et domaines mathématiques, puis par ordre chronologique, en lien avec les thèses, mémoires, articles et ouvrages mentionnés dans les rubriques suivantes.

Premier axe de recherche : Obstacles d’apprentissage d’ordre épistémologique dans trois domaines mathématiques

Calcul infinitésimal et analyse mathématique

Schneider (1988) montre qu’un rapport empirique aux modèles mathématiques fédère de multiples obstacles d’apprentissage du calcul infinitésimal, à l’instar de l’expérience première qui est, pour Bachelard, un obstacle à la constitution des sciences dites expérimentales. La thèse de Schneider aborde le concept de fonction ; celui de dérivée en lien avec les tangentes, les vitesses et débits instantanés ; les concepts d’intégrale définie et de primitive dans le contexte des aires et volumes et le théorème fondamental qui lie dérivée et intégrale définie.

Krysinska (2007) analyse les obstacles d’apprentissage, liés au concept de fonction et à la modélisation fonctionnelle, chez des élèves du secondaire. Les angles d’analyse concernent les ostensifs associés, la notion de variable et le rapport au temps, la dénotation en algèbre et la gestion des rôles multiples des lettres entre inconnues, variables et paramètres.

Job (2011) montre que cet obstacle empirique occulte le caractère lakatosien du concept de limite en analyse mathématique, conçu pour donner prise au raisonnement déductif. Cet obstacle devient alors un frein au raisonnement déductif et donc à une transition harmonieuse entre l’enseignement secondaire et l’université.

Balhan (2016) met en évidence la pérennité depuis plusieurs dizaines d’années des obstacles épistémologiques pointés par Schneider ainsi que leur résistance chez les élèves. Il montre que ces obstacles se cristallisent dans le théorème fondamental devenant alors inaccessible à une grande partie des élèves du secondaire.

Géométrie analytique et vectorielle et algèbre linéaire

Lebeau (2009) montre que les élèves ont un rapport non idoine aux modèles analytiques des objets géométriques que sont les droites et plans de l’espace, rapport qui relève de l’étiquetage et non de l’idée de contraintes qui caractérisent les coordonnées des points constituant ces objets. Ce qui conduit à plusieurs écueils relatifs aux équations « incomplètes » relatives à des objets géométriques positionnés de façon particulière dans un système d’axes.

Dunia (2014) développe que ce rapport non idoine s’étend aux systèmes d’équations linéaires dans l’enseignement secondaire et au début de l’enseignement universitaire.

Nguyen (2017) analyse des écueils propres au langage vectoriel dont la valence sémiotique comme modèle d’objets géométriques échappe à de nombreux élèves de l’enseignement secondaire.

Satistiques inférentielles

Calmant (2003) met en évidence trois obstacles majeurs à l’analyse statistique inférentielle : absence de prise en compte de la variabilité, lecture de graphiques (comme la cloche de Gauss) en termes de covariation « X-Y » plutôt qu’en termes de rapports d’aires et difficulté à concevoir des niveaux sémantiques plus abstraits entre « individu », « échantillon », « population d’individus » et « population d’échantillons ».

Deuxième axe de recherche : Pratiques enseignantes, Formation, Evaluation et Obstacles d’apprentissage d’ordre didactique

Pratiques inspirées par la réforme dites des compétences

Schneider (2006a et 2006b) décrit et analyse ce que la mouvance des compétences a favorisé comme pratiques enseignantes concernant la résolution de problèmes : afin de préserver une certaine rigueur dans l’évaluation de la compétence des élèves à résoudre des problèmes, les professeurs réduisent leur enseignement à une méthodologie générale de résolution occultant les classes de problèmes que fédèrent concepts et techniques mathématiques. Cette position hypothèque les capacités de transfert de leurs élèves, d’autant que le constat d’échecs répétés pousse les professeurs à réduire leurs évaluations à l’emploi de techniques.

Obstacles liés à la formation initiale des enseignants du secondaire

Rouy (2007) développe les avatars du double forgetting de Klein chez des élèves-professeurs de mathématiques du cycle secondaire entre deux niveaux de rationalité mathématique (celui du secondaire et celui de l’université) : il est tout aussi difficile pour les formés de passer du deuxième au premier pour enseigner que de faire l’évolution inverse du secondaire à l’université pour y étudier les mathématiques. En devenant enseignants, ils empruntent alors à l’université les organisations mathématiques qui y sont enseignées en y gommant tout ce qui paraît inaccessible aux élèves du secondaire, créant ainsi des « praxéologies à trous », les trous étant comblés par des gestes d’ostension. Ses observations portent sur une formation relative à l’enseignement des dérivées.

Schneider (2008) interprète cette attitude des enseignants par leur difficulté à concevoir des organisations mathématiques (praxéologies) de type « modélisation » dans lesquelles les concepts mathématiques sont justifiés en tant que modèles de préconstruits des élèves, sur base e.a. de preuves pragmatiques (Job et Schneider, 2014). Ces praxéologies « modélisation » sont pourtant un terreau qui permet ensuite aux élèves de comprendre le choix des définitions opératoires et des axiomes qui sont à la base des praxéologies « déduction », alors que l’absence des premières favorise « les mathématiques comme problème professionnel » au sens de Cirade, ainsi qu’illustré par Job et Schneider (2011) en prenant appui sur un dispositif de formation d’enseignants concernant le concept de limite.

Praticiens réflexifs

Un des enjeux majeurs de la formation des enseignants est d’en faire de futurs « praticiens réflexifs ». Cet objectif se heurte à plusieurs obstacles dont l’obstacle empiriste qui les empêche d’identifier les « institutions » à l’œuvre dans la constitution des mathématiques et qui entrave leur capacité à construire des praxéologies « modélisation » à des fins d’enseignement voire leurs difficultés à comprendre les enjeux d’une telle praxéologie issue de la recherche (Job et Schneider, 2011; Schneider et Job, 2016). Balhan et Schneider (2015) illustrent une synergie entre recherche et formation dans laquelle ils analysent l’empirisme comme obstacle à la réflexivité.

Hindryckx et Schneider (2019) analysent la compétence de « réflexivité » non pas en tant que compétence transversale mais comme compétence supposant, de la part des enseignants en formation, de solides connaissances en épistémologie des savoirs enseignés, ainsi qu’un rapport idoine à ce qu’est un modèle en sciences et en mathématiques lequel rapport suppose un dépassement de l’obstacle empiriste.

Calcul infinitésimal et analyse mathématique

Krysinska (2007) critique l’approche des fonctions qui monopolise les pratiques enseignantes, à savoir les exercices dits de variations de fonctions lesquels induisent un enseignement compartimenté et sclérosé entre recherche de domaines de définition, calculs de dérivées, tableaux de variations, … Elle met également en évidence l’absence de place réelle dévolue à la modélisation fonctionnelle.

Job (2011) fait une analyse institutionnelle expliquant que l’enseignement secondaire est confronté à un paradoxe qui fait obstacle au rapport lakatosien de ses élèves aux définitions. Ce qui hypothèque a priori toute approche didactique du concept formalisé de limite à l’université.

Gantois (2012) analyse des manuels scolaires et plusieurs pratiques enseignantes relatives au concept de dérivée et à ses applications à la lumière d’obstacles épistémologiques identifiés par Schneider que ces pratiques ne permettent pas de gérer.

Balhan (2016) montre que les obstacles épistémologiques liés au calcul infinitésimal sont aggravés par les pratiques enseignantes, ce qui en fait aussi des obstacles de type didactique. Il critique, en particulier, un dispositif numérique d’illustration du théorème fondamental qui relève des pratiques d’ostension et qui ne crée que peu d’intelligibilité de ce théorème chez les élèves.

Géométrie analytique et vectorielle et algèbre linéaire

Lebeau (2009) analyse en quoi les obstacles d’apprentissage liés à la géométrie analytique qu’elle relève tiennent à une transposition didactique standard qui subordonne la géométrie analytique à des éléments d’algèbre linéaire. Elle met en évidence les conséquences de cette transposition en termes d’écueils liés à une l’absence de justification pragmatique et géométrique des modèles analytiques.

Dunia (2014) questionne, dans l’enseignement secondaire et la transition avec l’enseignement supérieur, l’absence de discours heuristique, au sens de Lakatos, d’acculturation à l’algèbre linéaire. Il analyse en quoi cette absence est préjudiciable à l’apprentissage.

Nguyen (2017) approfondit ce phénomène dans le domaine de la géométrie vectorielle.

Satistiques inférentielles

Calmant (2003) analyse, dans le domaine des biostatistiques, les limites d’un site où les étudiants décodent incorrectement les ostensifs affichés tout en éprouvant de grandes difficultés à comprendre en quoi consistent les tests d’hypothèses.

Troisième axe de recherche : Analyse de transpositions didactiques, Ingénieries didactiques et parcours d’étude et de recherche, Modélisation

Au Ladimath, les ingénieries didactiques sont de prime abord des outils méthodologiques permettant la mise en évidence de phénomènes didactiques, en particulier des obstacles d’apprentissage épistémologiques et/ou didactiques.
Ces ingénieries sont des ingénieries « longues » qui forment un « parcours d’étude et de recherche ». Elles font toutes l’objet d’une « analyse a priori » sous-tendue par l’explicitation d’un « modèle épistémologique de référence » (MER), lequel permet au chercheur de rendre explicite son choix de valeurs. Ce MER favorise également une mise à distance du « modèle épistémologique dominant » (MED) grâce à une étude critique de la « transposition didactique » existante, souvent perçue comme « allant de soi » sans aucune distanciation.
La distinction entre « Praxéologies modélisation » et « Praxéologies déduction » est un élément essentiel qui permet de situer les ingénieries didactiques créées ainsi que de mieux gérer les obstacles d’apprentissage et d’enseignement avérés.

Calcul infinitésimal et analyse mathématique

Schneider (1988) construit un ensemble d’ingénieries didactiques concernant la plupart des concepts du calcul infinitésimal : dérivées, intégrales définies, primitives et théorème fondamental. Le milieu est pluriel, autant géométrique que cinématique, et vise à faire évoluer les objets mentaux ou préconstruits des élèves qui sont sources d’obstacles épistémologiques. Ces ingénieries ont inspiré en tout ou partie des ouvrages destinés à des élèves et à leurs enseignants (AHA, 1999 ; Schneider et al. 2016).

Krysinska (2007) expérimente, chez des élèves du début du secondaire, un parcours d’étude et de recherche portant sur des suites de nombres figurés choisies pour introduire deux formes embryonnaires de premiers modèles fonctionnels. Son expérimentation et son analyse se poursuivent avec l’analyse d’un milieu porteur de la construction du modèle exponentiel chez des élèves en fin de secondaire.

Job (2011) construit une ingénierie didactique sur base d’une situation fondamentale qu’il crée pour modéliser le concept formalisé de limite, l’expérimente dans l’enseignement secondaire et en analyse les potentialités en termes d’épistémologique et d’adidacticité.

Gantois (2012) expérimente et analyse les potentialités d’un milieu graphico-cinématique pour l’apprentissage des dérivées dans l’enseignement secondaire.

Balhan (2016) et Gerard (2015) adaptent ce même milieu dans le contexte du théorème fondamental de l’analyse en expérimentant une ingénierie destinée à introduire ce théorème auprès d’élèves du secondaire.

Géométrie analytique et vectorielle et algèbre linéaire

Lebeau (2009) développe un parcours d’étude et de recherche qui commence par fonder les caractérisations paramétriques puis cartésiennes des objets de base de la géométrie en les articulant avec des intuitions et propriétés géométriques et qui construit progressivement sur cette base le formalisme vectoriel.

Dunia (2014) construit un modèle épistémologique de référence dans lequel la géométrie constitue un modèle heuristique pour l’algèbre linéaire. Il expérimente et analyse ce modèle dans une ingénierie didactique portant principalement sur les systèmes linéaires auprès d’élèves du secondaire.

Nguyen (2017) développe un parcours d’étude et de recherche basé sur un Modèle Epistémologique de Référence où des résultats de la géométrie synthétique élémentaire justifient les bases d’une géométrie calculatoire, d’abord analytique puis vectorielle, en passant par le calcul « bipoint » dont elle analyse les valences sémiotique et instrumentale. Son investigation porte sur la géométrie 2D et la géométrie 3D tant pour leurs propriétés métriques qu'affines.